20 juin 2020

Le Maroc veut en finir avec la discrimination des prénoms amazighs

Les Marocains sont libres de choisir le prénom de leur enfant, a réaffirmé la Haute Commission de l’état civil marocain dans un communiqué diffusé lundi. Cette liberté concerne « sans distinction aucune », les prénoms arabes, amazighs (berbères), hassanis (dialecte maure) et hébraïques, précise la commission, pour autant qu’il n’y ait pas atteinte à la morale ou à l’ordre public.

Les prénoms amazighs (berbères), mais aussi hassanis (dialecte maure) et hébraïques doivent être autorisés au Maroc, a confirmé lundi la Haute Commission de l’état civil marocain. Ils ont beau être autorisés depuis 2010, les prénoms amazighs font encore régulièrement l’objet d’interdiction.

En dépit du fait que l’amazigh a été reconnu langue officielle dans la Constitution de 2011, les prénoms amazighs font encore régulièrement l’objet d’interdiction au Maroc. « Le mois dernier encore, à Casablanca, des parents n’ont pas pu inscrire sur les registres d’état civil leur fils qu’ils voulaient prénommer Anir », déplore Ahmed Assid, chercheur à l’institut royal de la culture amazighe et président de l’Observatoire amazigh des droits et libertés.

Une identité combattue pendant près d’un siècle

« Les officiers d’état civil se réfèrent à une liste officielle de prénoms arabes pour interdire les prénoms amazighs, explique-t-il. Or, ils ignorent que cette liste a été supprimée en 2003, à la suite de la création par le roi Mohammed VI d’une commission visant à régler cette question des prénoms. »

L’identité amazighe, combattue pendant près d’un siècle, d’abord par la France coloniale, puis par la monarchie marocaine, peine encore à être pleinement reconnue dans les esprits, alors même que la majorité de la population marocaine est d’origine berbère. Il a fallu la mort du roi Hassan II, le père de Mohammed VI, en 1999, pour que puisse renaître la question amazighe.

« Jusque-là, la diversité était considérée comme une menace pour la cohésion nationale. Le Maroc a mené dès son indépendance une politique continue d’arabisation. L’amazighité était taboue. Hassan II n’a d’ailleurs jamais prononcé le mot “amazigh”. Il fallait avoir beaucoup de courage, pendant les années de plomb, pour revendiquer un prénom amazigh », rappelle Ahmed Assid.

En 1992, la publication de la liste des prénoms arabes considérés comme seuls de caractère marocain a rendu même impossible toute velléité de donner à son enfant un prénom berbère. La liste a donc été supprimée en 2003, après que le jeune roi Mohammed VI eut reconnu la diversité culturelle et identitaire du Maroc en 2001. Mais la discrimination sur les prénoms a perduré.

Une lettre adressée par Human Rights Watch en juin 2009 au ministre de l’intérieur, Chekib Benmoussa, réclamant des explications sur cette discrimination, a, à l’époque, fait grand bruit. L’année suivante, le ministre a publié une circulaire rappelant que la liste des prénoms était supprimée et la liberté des prénoms instaurée. Une nouvelle circulaire d’avril 2013 a, à nouveau, rappelé la consigne.

« Mais l’information n’a pas circulé, et des bureaux d’état civil et des consulats marocains à l’étranger s’y opposent toujours », constate Ahmed Assid. Le chercheur ajoute que l’enseignement en amazigh, prévu depuis 2003, « n’est devenu réalité que dans 15 % des écoles du pays, alors même qu’une partie de la population la plus défavorisée ne parle que cette langue ». Quant à la loi organique devant mettre en œuvre le caractère officiel de la langue amazighe, elle reste encore lettre morte, deux ans et demi après l’adoption de la Constitution.

MARIE VERDIER La Croix du 19 mars 2014

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